« You’re safe with us »; voici le slogan très rassurant de la compagnie qui me transporte du Lac Inle à la ville de Kengtung. Cela en dit long sur le concept de sécurité aérienne en Birmanie…
Quand en plus le vol passe par 2 autres villes avant ma destination finale, c’est 3 décollages et autant d’atterrissages un peu tendus. Mon coucou à hélices fait des soubresauts et certains se sentent obligés de vomir dans les sacs à papier mis là à disposition.. Je commence à en avoir marre de ces histoires de vomi qui me suivent partout dans ce voyage !
Je ne suis donc pas mécontente d’arriver enfin à Kengtung où je loge pour 10 dollars la nuit au New Siam Yweat GH où la gentillesse du personnel compensera le manque d’eau chaude, l’électricité intermittente et la paillasse dure comme du béton. En même temps, je suis la seule touriste de l’hôtel donc j’ai droit à un traitement particulier.
Kengtung est une ville étrange, différente de la Birmanie connue jusqu’à présent. Les hommes ne portent plus le longyi, les femmes ne s’enduisent pas le visage de Thanakha et les gens ne me comprennent pas quand je leur parle birman (genre, je suis bilingue…).
Kengtung est en fait une ville où thailandais, laotiens, birmans, chinois et indiens se sont tellement mélangés au gré des changements de frontières qu’on ne s’y retrouve pas entre les différentes ethnies, langages et religions. Mais c’est aussi pour cela que les touristes viennent à Kengtung : pour ce mélange fascinant et complexe.
Ici donc, avant d’aller visiter les villages alentours, un guide est obligatoire. Mais 2 mauvaises nouvelles assombrissent mon arrivée : d’une part, une grande partie de la région est depuis 2010 interdite aux touristes et d’autre part, le gouvernement étant de plus en plus vigilant, il est impossible de rester dormir dans les villages..
Cependant, j’ai la chance de tomber sur un guide génial : Sai Leng, qui sera pendant 3 jours mon Frédéric Lopez à moi.
Une condition : ne m’emmène pas là ou tu emmènes d’habitude les touristes.
Un souhait : plus que les paysages (qui ne sont guère beaux en cette saison. Mieux vaut revenir en Octobre – Novembre) je veux découvrir le quotidien de ces habitants (ou au moins m’en approcher).
Et c’est comme ça que pendant 3 jours, j’ai sillonné avec lui les alentours de Kengtung au bord de sa bécane.
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je suis un peu stressée pour mon appareil photo. Je viens de montrer à un gamin apeuré comment s’en servir pour la 1ere fois.. |
Je pourrais écrire un roman sur ces 3 jours passés dans les villages, tant chaque seconde était source d’émerveillement, de curiosité et de questionnements de part et d’autre. Une fascination réciproque. Je me contenterai d’en relater les grands traits.
A chaque fois que nous débarquons dans un village, à pied ou sur sa moto, nous sommes tout de suite l’objet d’un attroupement. Les enfants me reçoivent entre crainte et curiosité. Mes lunettes de soleil font peur aux plus petits, ils pensent que ce sont mes yeux et certains m’accueillent avec des sanglots apeurés. Certains pensent que je suis une sorcière, un esprit descendu de la forêt.. Sympa !
Mais une fois gagnée leur confiance, la triste musique des pleurs se transforme en une symphonie d’éclats de rire, surtout grâce à l’appareil photo, véritable boite magique à déclencher des fous rire !
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« Big eyes » |
Le premier jour, Sai Leng et moi nous arrêtons manger dans un des villages. On se met à l’abri du soleil dans une des bicoques. C’est alors qu’un gamin, le plus frondeur, se pose avec sa petite chaise dans l’encablure de la porte et me regarde simplement manger. Peu à peu, il est rejoint par tous ses petits copains et m’observent tous comme s’ils étaient au spectacle. Pour l’occasion, leurs parents les ont même autorisés à manger des petits snacks tout en me scrutant en silence.. Un petit moment de solitude.
Nous avons traversé de nombreux villages et de nombreuses ethnies pendant ces 3 jours : akha, Enn, Lahu, Akhu, Dai Khum, Loi. Unforgettable. Bienvenue en terre inconnue.
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femme akha, reconnaissable à leur coiffe evidemment |
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femme Akhu, 80 ans (??) – 15 enfants |
Les maisons sont toutes bâties sur le même modèle. Une maison sur pilotis. En dessous dorment les bêtes (cochons et poules). Au dessus : en général une seule pièce où se rassemble 3 générations pour dormir (au minimum 10-15 personnes), vivre et cuisiner. C’est assez intriguant de voir une seule pièce avec braises à même le sol pour cuisiner, chiens faméliques autour pour se donner un peu de la chaleur que les gens ici refusent de leur donner (on préfère les manger. J’ai déjà écrit à Brigitte Bardot evidemment).
Partout où je passe, les gens sont effarés de me savoir pas encore mariée à mon age. Je suis foutue pour eux. Il faut dire que je suis stupéfaite de voir des gamines de 14 ou 15 ans déjà mariées avec gamin au bras. Et c’est pas prêt de s’arrêter, les femmes ici ont en général une dizaine d’enfants. Drôles de filles-mères, mi-enfant, mi-femme, dont on perçoit derrière leur yeux fatigués la beauté de leur jeunesse.
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17-18 ans, mariée, 2 enfants |
Autre singularité, personne ne connaît vraiment son age.. C’est entre 15 et 18 ans, c’est aux alentours de 40 ans. On a autre chose à penser que de fêter ses anniversaires ici.
Enfin, j’ai eu droit à mon lot de questions complètement innocentes et formulées pourtant par les plus âgés. Parmi elles :
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Mange t’on du riz aussi chez toi ? (très très fréquent)
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As tu le même soleil et la même lune ?
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Combien de temps tu as mis pour marcher de ton pays à ici ?
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Est ce que ta peau blanche brûle au soleil (littéralement) ?
Ahhh et on m’as dit aussi que j’avais de la chance d’avoir un mari très riche qui me laisse voyager (ce avant d’apprendre affolés, que je ne suis pas encore mariée!)
Voilà en résumé mes quelques jours passés à Kengtung. Ma seule frustration a été de ne pouvoir dormir dans les villages. Je crois que si on m’y autorisait, j’y serai encore.
Au générique de fin d’Émilie en Terre Inconnue, je remercie tout spécialement :
– Cette dame qui voulait m’adopter et qui en plus de me donner son chapeau pour la bonne marche en plein cagnard qui nous attendait, m’a serré tellement fort dans ses bras que c’est elle qui m’a donné l’énergie suffisante pour ces 2 heures de marche (400 mètres de dénivelé – 30 degrés – un coup de chaleur à l’arrivée au village qui me vaudra encore plus de sollicitude de la part des habitants..)
– Mon cher guide Sai Leng, un sage avant l’heure et qui possède une connaissance absolue sur les différentes cultures de la région. Avec lui je me souviendrais longtemps avoir traversé à toute allure sur sa bécane un mur de feu qui nous barrait l’étroit chemin du retour en pleine foret. Une vraie scène de film à la James bond. C’est con que les oscars soient passés. J’étais bonne pour une récompense.
Mais voilà, mon guide n’étant plus dispo, je repars de kengtung. J’avais pour idée d’aller dans le Nord mais apparemment il y a des combats donc c’est potentiellement dangereux donc on refuse de me laisser y aller! Je pars donc vers Bhamo, à mi-chemin, en train de nuit sans couchette. Je sens que je vais m’amuser. Tout le monde m’a prevenu: le train ici, il tangue..
Je vous raconterai!
Pour renouer avec la musique, la vraie, voici le grand Franck pour illustrer le titre de ce post.
Merci de me lire.
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