Hells bells – Phnom Penh – 20.01.13

S21. Quand j’y repense j’ai des
frissons.
Je dois faire une halte rapide à Phnom
Penh pour faire mon visa vietnamien.

On m’a dit : surtout, visite la
prison S21.

J’y suis donc allée sans savoir à
quoi m’attendre.

J’ai reçu un choc face à toutes les
horreurs décrites. Les anecdotes les plus terribles les unes que les
autres y sont relatées. J’ai été tétanisée devant les
descriptions des tortures subies, ne réagissant même plus tant
j’étais choquée.

Je vous épargnerai les photos les plus
terribles, j’éviterai les récits trop crus.
Mais un rapide coup d’œil au règlement peut déjà vous donner un aperçu.
 
 

Pourquoi y aller alors ? La visite
est proche du cauchemar, pourquoi s’infliger ça ?

Parce que visiter la prison S21, c’est
comprendre le traumatisme encore bien présent au sein du peuple
cambodgien.

Rapide rappel des faits : Le 17
avril 1975, les khmers rouges s’emparent de Phnom Penh, faisant
chuter le gouvernement précédent, apparenté à une dictature. D’où
les scènes de liesse quand Pol Pot et ses hommes investissent la
capitale.

La joie va vite laisser place à
l’horreur.

Le soir même, le nouveau parti au
pouvoir décide de vider la ville de ses habitants. Ils prônent un
Cambodge rural. Tous doivent désormais travailler aux champs. Si tu
n’en es pas capable, si tu marches trop doucement, si tu te plains,
tu reçois une balle. C’est simple. Peu importe, vieillards,
infirmes, enfants.

Les intellectuels sont particulièrement
persécutés. Dangereux car éduqués.

Comment reconnaît-on un intellectuel? Ils portent des lunettes.

Les khmers rouges feront régner un
état de terreur. Travaux forcés pour tous et élimination des
soldats, fonctionnaires et autres supposés espions.

C’est dans ce cadre que l’on créée
une des nombreuses prisons du pays. S21 étant la plus connue.

Prison, le mot est inapproprié puisque
les gens restent peu de temps. 3 mois en moyenne ; le temps de
les traiter comme des animaux, de les affaiblir, de les torturer et
de les envoyer au camp d’extermination à quelques kilomètres de la
ville. Pas d’espoir d’en ressortir vivants.
À la libération par les vietnamiens
de la ville en janvier 1979, on ne retrouvera que 7 survivants.

 
Bou Meng, un des 7 survivants

Entre temps, près de 20000 personnes
seront passées par là et dont les os et les crânes seront
retrouvés dans les fosses du champ d’extermination.

Ce qui est choquant quand on franchit
la porte d’entrée de S21, c’est de se retrouver dans un décor si
familier puisque ce centre d’interrogatoire est en fait une école
qu’on a réaménagé à la va-vite.

Là où on aimerait voir des écoliers
courir et rire dans la cour d’école, on découvre avec effroi que
mêmes les infrastructures de jeux ont été transformées en machine
à torturer.


Et quand on voit les visages des
gardiens de cet prison, on se rend compte que ce sont ces mêmes
écoliers qu’on a embrigadés, lobotomisés grâce à une propagande
démesurée.

Les gardiens de S21 avaient entre 12 et
18 ans pour la plupart.

Il parait qu’ils étaient encore plus
cruels que les adultes.

Photos des gamins.. gardiens.

Les khmers rouges étaient très
pointus sur la tenue des registres et photographiaient tous les
nouveaux venus.

Les photos des suppliciés servaient à
faire admettre plus facilement les déclarations qu’ils voulaient
entendre aux prisonniers. Si tu n’avoues pas, voilà ce qu’il
t’attend.
Dans tous les cas, la mort. Tortures en
option si tu es un tenace.

Quand je demande mais pourquoi on tuait
aussi les enfants et même les bébés de la famille du prisonnier,
on me répond que les khmers rouges pensaient qu’ils seraient des
futurs opposants car issus d’une famille de rebelles. CQFD d’esprits
tordus.

Les cellules ont été construites en un temps record. Les anciennes salles de classe ont été éventrées à
coup de marteaux pour avoir une perspective plus grande sur les
cellules.
 
 

En bas, en bois, au 1er étage en
brique. Au dernier étage, on a décidé que les séparer en cellule
était indispensable. Des hommes alignés au sol et enchaînés,
voilà tout.
 

 

Une douche ?? Mais vous
plaisantez.. Une fois par mois, on lancera de l’eau à travers les
fenêtres.

boite de munitions qui servait de toilettes

Les salles de tortures sont intactes.
Un bureau, un lit auquel on attache le supplicié puis on attend que
ce dernier dénonce sous la torture ses amis, parents, collègues..

Ma visite à S21 a été terrible.
Nécessaire.

J’ai marché sur du sang, de la pisse,
de la merde mais surtout de la honte.
J’en suis sortie écœurée.

La vision des torturés se juxtaposait
à celle des enfants jouant auparavant dans cette cour. Je ne
comprends rien à l’humain quand je le vois sous ce jour.

J’ai essayé de me documenter. Si
l’histoire vous intéresse et que vous voulez en savoir plus,
regardez ce documentaire qui confronte quelques-uns des survivants à
leurs anciens tortionnaires. Bouleversant.

Documentaire S21, la machine de mort khmère rouge.


Puis j’ai découvert une autre
histoire. Qui nous concerne, nous, la France. Ahhh la belle France
qui sait se montrer lâche aux meilleurs moments.

Dans les jours qui ont suivi l’arrivée
des khmers rouges à Phnom Penh, les ex-dirigeants du gouvernement
déchu, traqués, se tournent vers leurs amis les français. Qui n’en
veulent pas soyons clairs.

Mais les mouvements de foule aidant,
certains hauts-fonctionnaires réussissent à rentrer au sein de
l’ambassade et demandent l’asile politique à cette France qui les
recevait avec honneur quelques semaines auparavant.

Les khmers rouges demandent à ce qu’on
les livre. Un télégramme est envoyé à Paris : on fait quoi ?

La réponse, je vous laisse la deviner.
À l’heure dite, les gendarmes français poussent les ex dirigeants
dans le camion qui les enverra à la mort. On connaissait leur sort,
on ne s’est même pas battus pour les sauver.

Écœurant. Une nouvelle fois.

Là aussi, pour en savoir plus, un
article du monde à lire ici.

Enfin, je me dis qu’on a pas fini
d’être cons quand je vois des « gros mollets » qui osent
se faire prendre en photo dans les mini-cellules feignant d’être
eux-mêmes des prisonniers.

Quel beau souvenir.. Se rendent-ils
seulement compte de l’indécence de leur photo ?

Bref, parfois je désespère de
l’humain.

PS: promis, à partir du prochain post, je note toutes les infos pratiques de l’étape. Là, j’en ai pas le cœur.


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Commentaires

  1. Avatar de Anonyme
    Anonyme

    je venais de déjeuner avant de lire ton article, et même si je sais tout ce que tu as vu, tout ce qu'on a fait à ce peuple , là tu m'as fait toucher les choses du doigt. Et oui l'homme est un loup pour l'homme.
    Depuis Hitler se servir des enfants est une règle chez les dictateurs. ah il aura fait école celui là. Bref je ne sais pas si mon déjeuner ne vas pas retourner d'où il vient…
    1000 baisers

  2. Avatar de Anonyme
    Anonyme

    Comme tu dis, c'est affreux mais nécessaire de visiter ce genre d'endroits qui figure honteusement dans la liste des génocides du 20éme siècle.

    Tu as eu raison de nous le faire partager.

    J.M

  3. Avatar de Anonyme
    Anonyme

    Bonjour,

    Je termine cette page, je n'ai pas regardé le vidéo, pas lu les article. J'ai les larmes aux yeux et je frissonne… Je ne sais pas si je ferai la visite lors de mon séjour au Cambodge…
    Merci

  4. Avatar de Mimi bulle

    Si, il faut y aller pour comprendre l'histoire de ce pays. C'est très dur certes, mais nécessaire..
    J'en ai eu froid dans le dos mais je suis heureuse d'y être allée.
    Vas-y..

  5. Avatar de lalelo

    Je pleure, et je pleurerai quand j'y serai, l'horreur ne quittera plus mes yeux; et j'en ferai des cauchemars.

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